Former une communauté engagée dans l’écosystème de l’Internet : le pari d’ISOC Bénin

À l’Université d’Abomey-Calavi, un atelier inédit a réuni jeunes étudiants, experts et acteurs institutionnels pour jeter les bases d’une participation citoyenne aux processus de gouvernance de l’Internet.  Le numérique progresse au Bénin à une vitesse fulgurante. Mais derrière l’essor des connexions mobiles, la multiplication des plateformes et la numérisation des services publics, une réalité demeure : la jeunesse, pourtant première utilisatrice d’Internet, reste largement absente des espaces de gouvernance du numérique.

C’est pour répondre à cette asymétrie entre usage et gouvernance que le chapitre béninois de l’Internet Society (ISOC Bénin), en partenariat avec AFRALO, a organisé le vendredi 27 juin 2025 une Journée de l’engagement dans l’écosystème de l’Internet. Une initiative avec pour objectif d’initier une nouvelle génération d’acteurs à la compréhension des enjeux globaux et locaux de l’écosystème internet.

1. Un Internet gouverné, mais par qui ?

Contrairement à une idée reçue, Internet n’est pas un espace sans règles. Derrière chaque nom de domaine, chaque adresse IP, chaque standard technique, se trouvent des institutions mondiales comme l’ICANN, l’IETF ou encore l’AFRINIC. Leur rôle est crucial, mais leurs décisions restent souvent lointaines, voire opaques, pour les populations africaines. C’est ce fossé que l’atelier a tenté de combler, en réunissant à l’Université d’Abomey-Calavi (UAC) un panel d’intervenants issus d’horizons variés : ICANN, ISOC, IGBANET, FGI BENIN, Women Be Free … tous des acteurs engagés dans l’écosystème de la gouvernance d’Internet.

2. Une jeunesse encore à la marge

Pour Yaovi ATOHOUN, directeur des opérations et de l’engagement en Afrique à l’ICANN, la participation des jeunes aux instances décisionnelles est non seulement souhaitable, elle est nécessaire : « Les jeunes Africains sont aussi utilisateurs d’Internet. Il est temps qu’ils deviennent aussi des co-décideurs de son avenir. » Mais la réalité est plus complexe. Comme l’a souligné Harold A. ancien président d’ISOC BENIN et membre d’IGBANET, les structures locales de gouvernance restent balbutiantes, avec peu de mécanismes d’inclusion des jeunes et des femmes. L’écosystème numérique béninois reste marqué par une concentration du pouvoir entre les mains d’un nombre réduit d’acteurs. Pour Dr Kossi A., représentant de l’ONG Women Be Free, ce déséquilibre est aussi genré : « La moitié de la population reste sous-représentée dans les espaces de gouvernance numérique. Une gouvernance sans les femmes, c’est un Internet à moitié légitime. »

M. Yaovi ATOHOUN, Directeur des opérations et de l’engagement en Afrique, ICANN

3. Des témoignages pour inspirer l’engagement

Plus qu’un séminaire technique, la journée s’est aussi voulue un espace de transmission et de témoignages. Muriel Alipini, personne ressource dans l’écosystème de la gouvernance d’Intenet et Rose Gohoué, ancienne présidente du comité d’organisation du BENIN DNS Forum ont partagé leurs parcours, depuis leurs premiers ateliers locaux jusqu’à leur participation à des instances internationales. Des expériences concretes, qui ont permis de briser l’image élitiste de la gouvernance de l’Internet. Pour Rose, l’implication numérique a été une passerelle vers le monde : « On pense que ces sujets sont réservés aux ingénieurs ou aux États. Mais il suffit d’un premier pas, et tout devient accessible. »

4. Le rôle catalyseur d’ISOC Bénin

Au cœur de cette dynamique, ISOC Bénin se positionne comme une plateforme pour rassembler tout les acteurs pour mieux s’engager et s’impliquer davantage autours des enjeux liés à la gouvernance d’Intenet .  Elias Gnancadja, vice-président de l’organisation, a rappelé les nombreuses initiatives portées : ateliers techniques, programmes certifiants, accompagnement vers les bourses ICANN et IGF, création des points focaux.

5. Un tournant générationnel ?

La journée s’est achevée sur une note d’espoir : une séance de questions-réponses dynamique, une photo de famille souriante, et surtout, la promesse d’un rendez-vous à Porto-Novo le 19 juillet 2025, pour la prochaine édition du Forum Jeunesse sur la Gouvernance de l’Internet. Mais au-delà de l’événement, c’est une prise de conscience qui semble s’amorcer. Celle d’une jeunesse prête à ne plus seulement consommer Internet, mais à en devenir co-architecte. Une jeunesse qui ne veut plus être périphérique dans les discussions sur les algorithmes, les données, la régulation ou la neutralité du Net. 

« Pour construire un Internet à notre image, il faut d’abord comprendre comment il fonctionne. Puis, oser y prendre part », résume un étudiant en informatique, visiblement conquis par la journée.

 

Somme toute, l’implication des jeunes dans la gouvernance de l’Internet n’est plus un luxe, mais une urgence stratégique. Au Bénin, où le numérique s’affirme comme un levier de transformation économique, sociale et institutionnelle, il est impératif de former une génération capable de comprendre, d’influencer et de co-construire les règles qui encadrent l’espace numérique mondial. Cet engagement conditionne non seulement l’avenir des politiques publiques nationales, mais aussi la capacité du pays à faire entendre sa voix dans les enceintes internationales où se décident les normes, les protocoles et les modèles de régulation qui façonneront l’Internet de demain.

Chapitre Bénin d’Internet Society (ISOC BENIN) 
www.isoc.bj  –  contact@isoc.bj
Tél: +229 40 11 16 46


Par Malick ALASSANE
Histoire de l'internet